L’intelligence artificielle générative d’image est une révolution aussi importante que l’a été la photographie. Au début, les daguerréotypes n’étaient pas considérés comme de l’art. Ils se contentaient de transposer la réalité sur papier. Mais peu à peu, les photographes ont montré que capturer une image pouvait devenir une forme d’expression créative. Comme Renoir ou Monet dépeignaient la réalité avec leur regard, Henri Cartier-Bresson ou Robert Doisneau l’ont fait à leur manière avec la photographie. Aujourd’hui, la photographie est reconnue comme un art et protégée par le droit d’auteur.
Pourtant, la photographie n’est pas toujours le fruit d’un acte purement réfléchi. Un photographe capture un moment, parfois de manière spontanée, et choisit l’image la plus marquante parmi une série. Ce processus, où la technique joue un rôle majeur, ne l’empêche pas d’être reconnu comme créateur. Pourquoi alors refuser ce droit d’auteur aux artistes utilisant l’intelligence artificielle générative ?
L’IA générative : Entre apprentissage et création
La création d’images par intelligence artificielle repose sur des modèles entraînés à partir de bibliothèques d’images associées à des mots. Ces modèles ne reproduisent pas directement les œuvres d’un artiste, mais utilisent ces images comme une base d’apprentissage. Si un utilisateur génère une image en imitant spécifiquement le style d’un artiste, c’est lui – et non le créateur du modèle – qui enfreint le droit d’auteur. Cette distinction est essentielle.
Une image générée par IA n’est pas un simple produit aléatoire. Le prompt – ce texte écrit par l’artiste – joue un rôle central. Un mot de trop, une virgule, ou une description plus étendue peuvent transformer le résultat. L’image obtenue a une identité unique, définie par des paramètres spécifiques et un numéro d’identification (“seed”), permettant de la reproduire exactement.
De plus, les outils comme ComfyUI offrent des possibilités de modification avancées : enrichir, recomposer, ou transformer l’image pour en faire une création originale. Cette intervention humaine va bien au-delà du simple fait de “cliquer sur un bouton”. Refuser le droit d’auteur à de telles images revient à ignorer le rôle de l’artiste dans le processus.
Photographie et IA : Une comparaison nécessaire
Revenons à la photographie. Une photo n’est qu’une capture d’un instant, obtenue grâce à un appareil. Le photographe ne crée pas la réalité qu’il capture ; il utilise une technologie pour traduire un moment en image. Pourtant, la photographie est protégée par le droit d’auteur. Pourquoi une image générée par IA, construite avec autant (sinon plus) de paramètres et de réflexions, ne bénéficierait-elle pas des mêmes protections ?
L’argument selon lequel une image générée par IA n’est pas une création humaine est erroné. L’image est le fruit d’un processus dans lequel l’artiste intervient à chaque étape : du choix des mots au réglage des paramètres, en passant par des modifications et des ajustements. Ce travail demande du temps, de la créativité, et une maîtrise technique, comme dans toute forme d’art.
Le risque d’un vide juridique
Refuser le droit d’auteur aux créateurs utilisant l’IA aurait des conséquences graves. Cela reviendrait à permettre à quiconque de s’approprier des milliers d’images générées sans en rémunérer les auteurs. Pire, cela mettrait en danger les métiers artistiques, de la photographie à l’illustration, en rendant inutile l’achat d’images ou de créations originales. Les outils de génération d’images, de plus en plus accessibles et sophistiqués, deviendraient une menace plutôt qu’une opportunité.
Un tel vide juridique risque également d’encourager les abus. Les artistes pourraient être tentés de masquer l’origine de leurs images pour réclamer leurs droits d’auteur, créant une zone grise difficile à réguler.
Et demain ?
À l’avenir, les artistes pourraient créer leurs propres modèles d’intelligence artificielle, entraînés sur leurs œuvres. Ces modèles deviendraient un outil pour produire des images nouvelles, tout en respectant l’identité artistique de leur créateur. Dans ce cas, comment refuser le droit d’auteur, alors que l’IA ne serait qu’un intermédiaire dans le processus créatif ?
L’enjeu est de définir des règles claires, qui reconnaissent à la fois le rôle de l’IA comme outil et celui de l’artiste comme véritable auteur.
Provocation finale : L’art contemporain et l’IA
En guise de conclusion, posons une question provocante. Lorsque l’on considère certaines œuvres d’art contemporain, comme une chaise avec un ballon rouge ou un urinoir signé Marcel Duchamp, pourquoi ces créations sont-elles protégées par le droit d’auteur ? Parce qu’elles s’accompagnent d’un discours, d’une réflexion. Or, l’intelligence artificielle générative repose également sur un discours : le prompt, cette description minutieuse qui donne vie à une œuvre.
L’art évolue, et les outils avec lui. Le droit d’auteur doit suivre cette évolution et protéger ceux qui utilisent ces nouveaux outils pour créer des œuvres uniques et significatives.