L’intelligence artificielle générative d’image est une révolution aussi importante que l’a été la photographie. Les premiers daguerréotypes n’étaient pas reconnus comme une forme d’art. Ils étaient la transposition de la réalité sur du papier. Pour autant, le photographe n’a cessé de montrer que composer une image n’était pas simplement une technique, mais une manière de croquer la réalité. Au fil du temps, la photographie a pris des formes différentes. Du photojournalisme à la photo d’art, chacun de ces courants a vu leurs auteurs pratiquer un style photographique. Comme Renoir ou Monet ont dépeint la réalité avec un certain regard, Henri Quartier Bresson, Robet Doisneau ou Robart Capa l’ont fait à leur tour avec la photographie. La photographie n’est plus devenue simplement une image, elle est devenue une œuvre qui s’est retrouvée dans les musées. Comme toute œuvre originale, le droit d’auteur a cherché à protéger son créateur. Pourtant, la photographie n’est que la transposition de la réalité sur du papier grâce à un boîtier. La créativité est le fruit d’abord d’une certaine technique. La manière de poser son regard sur une scène, sur un objet ou sur un visage contribue à la qualité de la photographie, mais reste plus difficile à juger. Le photographe parfois prend 10 photos de son modèle avant de déterminer laquelle, il sélectionnera. La photographie n’est souvent pas un choix déterminé d’un auteur. C’est souvent une image du quotidien ou d’un événement politique, artistique ou de guerre prise de façon spontanée. La photographie n’est pas toujours un acte réfléchi. On récompense le fait d’avoir su capter le réel à un moment donné afin d’évoquer de façon percutante un événement. Le droit d’auteur sur une photo a fait souvent débat surtout si l’on venait à modifier celle-ci. Cependant, il s’est imposé et protège les créateurs
“>Pourquoi refuserait-on le droit d’auteur aux images crééaient par l’intelligence aritficielle ?
La création d’images par l’intelligence artificielle générative se construit à partir d’un modèle. Le modèle est une bibliothèque issue de l’apprentissage fait à partir de photo et d’association de mots. Ce qui pose un problème est l’utilisation des photos qui servent à générer ces modèles. Beaucoup d’auteurs réclament un droit ou des redevances sur les images qui sont utilisés. J’entends tout à fait la récrimination des artistes. Mais était-elle justifiée ? Ces images ne servent qu’à une forme d’apprentissage et non à des fins de reproduction. Les chances de retrouver le style d’un auteur lors de la génération d’une image sont quasi improbables à l’exception si l’utilisateur du modèle spécifie dans sa requête qu’il veut que l’image soit réalisée dans le style d’un artiste en particulier. Dans ce cas, celui qui enfreint le droit d’auteur n’est pas le créateur du modèle, mais son utilisateur et cette distinction est à mon avis très importante. L’utilisateur a une responsabilité dont on ne peut pas le décharger. D’autre part toute image générée par l’intelligence artificielle, peut-être modifiée, enrichie, dénaturée, recombinée, mélangée pour obtenir une image singulière. La loi américaine et française ne reconnaîssent pas le droit d’auteur sur l’image générée par l’intelligence artificielle sous prétexte qu’elle n’est pas créée par l’auteur. C’est une grossière erreur. Le prompt, à lui seul, détermine ce à quoi va ressembler l’image. Un mot de trop ou un mot de moins, un changement d’emplacement d’une virgule, une description plus étendue peuvent influencer le résultat. On me rétorquera que le prompt ne peut se prévaloir du droit d’auteur. Cela serait très compliqué. Néanmoins, le prompt va définir une image qui va avoir une identité spécifique déterminée par son numéro d’identification (seed) qui permet de la reproduire. De plus, tout artiste qui se doit va opérer des transformations sur l’image. Il va vouloir la composer, la modifier grâce à différentes techniques disponibles dans de nombreux logiciels de génération d’image. En fin de processus, l’image n’est pas simplement le fruit du hasard ou d’un prompt bien écrit, mais le fruit d’une manipulation bien spécifique. Le numéro d’identification de cette image est déjà à lui seul une forme d’identité. De plus, des outils comme ComfyUI, l’outil le plus élaboré de création d’images issu de l’intelligence artificielle générative, permet que chaque image détienne sa carte d’identité et tous les paramètres qui ont permis à sa création. Ces informations sont enchâssées dans le format de l’image et récupérable à tout moment. Comment donc refuser le droit d’auteur à une image dont la transformation est le fruit non plus uniquement de la machine, mais de l’homme ? Revenons à la photographie. Elle n’est pas plus une création humaine que l’intelligence artificielle générative d’image. La photographie est un boîtier qui photographie la réalité. Le photographe ne créé rien. Il a utilisé une technologie et des outils et applique des techniques pour obtenir le résultat. N’importe qui, qui prend une photo, pourrait la protéger au nom du droit d’auteur. Cette photo pourrait être une chaussure sur une table. Alors pourquoi la même chaussure sur la table ne serait pas reconnue par le droit d’auteur parce qu’elle serait générée par un prompt qui est le pendant du boîtier du photographe ? Cela n’a aucun sens d’autant plus que ce prompt génère plus de créativité que la photographie prise avec un boîtier. D’autant plus que l’image n’est pas le fruit uniquement du prompt, mais de différents paramètres déterminés par le créateur. Il faut oublier que l’intelligence artificielle se résume à un texte comme pour ChatGPT et Copilot. Les logiciels comme ComfyUI montrent que la création d’une image va au-delà du prompt grâce à de nombreux paramètres. ChatGPT et Copilot sont à l’image des boîtiers photographiques bon marché sur lesquels il suffisait de cliquer pour obtenir l’image alors que des outils comme ComfyUI ou ceux issus de la technologie de Stable Diffusion ressemblent davantage à un Nikon ou un Leica. Comme hier pour la photographie, les outils vont se développer de plus en plus pour permettre de contrôler l’image générée.
Refuser le droit d’auteur sur l’image générée par l’intelligence artificielle, c’est reconnaître que l’intelligence artificielle est dotée d’une capacité de créativité et qu’elle en est l’auteur. Ce serait un grave précédent. L’image n’est que le fruit d’une technique résultat d’un texte écrit par l’auteur qui par un processus mathématique permet aux mots de s’associer avec des fragments d’images pour en constituer une nouvelle. Sans l’intervention de l’auteur, l’image ne se produirait pas. La manière dont l’image est générée est le fruit de ce texte, des mots choisis et de la manière dont ils sont ordonnés. Le choix de l’auteur d’utiliser des paramètres de rendus spécifiques, de lui attribuer des critères qui vont influencer aussi le résultat. Bien évidemment l’auteur souhaitera peaufiner l’image et apportera davantage des changements. Comment donc prétendre encore que cette image n’est pas le fruit de son créateur. Générer une image par l’intelligence artificielle générative demande du temps si l’on veut l’utiliser à des fins artistiques, publicitaires, ou commerciales. Refuser au créateur le droit d’auteur signifie que tout le monde pourra se servir des milliers d’images qu’aujourd’hui des créateurs génèrent et ils ne pourront pas bénéficier du fruit de leur création. Plus encore, elle va mettre en danger tous les métiers artistiques y compris la photographie puisqu’on aura plus besoin de payer pour des photos ou des illustrations, il suffira de piocher dans les portfolios de tous les sites où les auteurs génèrent des images d’intelligence artificielle générative. C’est absurde ! Beaucoup d’auteurs déjà réclament le droit d’auteur surdes images de l’intelligence artificielle sans que personne ne puisse s’en douter. Comment démontrer que l’imagen’estpas le fruit de l’intelligence artificielle ? La technologie Stable Diffusion (open source) a permis la créationd’outilsdeplus en plus sophistiquée qui permet à quiconque d’avoir les outils nécessaires pour créer et composerdesimages.Refuser à tous ces créateurs un droit sur leur création paraît un non-sens qui pourrait les pousser dans l’illégalité en prétendant que les images générées sont le fruit d’un travail de création et non de l’intelligence artificielle générative et réclamerle droit d’auteur. Qui pourra prouver le contraire ? D’autre part lorsque les machines seront suffisamment performantes et que la technologie aura évalué des artistes pourront créer des modèles à partir de leur œuvre et l’intelligence artificielle se servira de ce modèle pour en générer de nouvelles. Pourra-t-on encore refuser à l’artiste le droit d’auteur puisqu’indirectement l’intelligence artificielle n’a été qu’un intermédiaire dans le processus créatif ? C’est la création du modèle qui sert à la création d’image qui doit être encadrée. Si c’est le cas, il n’y a aucune raison,que ceux qui s’en servent ne puissent pas réclamer le droit d’auteur sur l’image générée.
Pour conclure, je finirais par une provocation. Lorsqu’on voit ce que génère parfois l’art contemporain, on est en droit de s’interroger sur la légitimité du droit d’auteur. En quoi une chaise avec un ballon rouge dessus est-elle une œuvre d’art ? L’argument serait qu’il y aurait une réflexion créative derrière l’œuvre, un discours. Et bien dans l’intelligence artificielle générative d’image il y a aussi un discours, le prompt, qui fait que l’œuvre peut être aussi une œuvre d’art contemporaine autant que l’urinoir de Marchel Duchamp !